LA COUR, LA CONSTITUTION ET LA LOI : BRÈVES REMARQUES SUR LE PROCESSUS ÉLECTORAL EN COURS
- Par Moussa ZAKI, Université Gaston BERGER
- 16 mars 2016
- 3 min de lecture
Le débat politique au Niger fait appel aux experts. De plus en plus tout le monde s’improvise juriste ou politologue. Le dernier arrêt de la Cour Constitutionnelle et la convocation du corps électoral avaient suscité un important débat où profanes et politiciens avaient chacun selon sa grille de lecture versé dans la spéculation. Moussa ZAKI est juriste. Dans cette analyse, il donne son point de vue sur notre processus électoral, pomme de discorde présentement entre pouvoir et opposition.
Les juridictions constitutionnelles sont souvent victimes de mauvais procès. Tel est le cas, ces temps-ci, de la Cour constitutionnelle du Niger. L’examen des critiques formulées à son encontre révèle dans bien des cas un télescopage, voire un amalgame entre considérations juridiques et motivations politiques. C’est vrai, il est établi qu’en matière d’élections présidentielle et législatives, le recours au juge est souvent utilisé plus pour tenter d’éliminer un adversaire de la conquête ou de la conservation du pouvoir que pour faire respecter la Constitution ou les lois. Comme l’a souligné récemment un observateur les juridictions constitutionnelles assument ici un rôle des plus ingrats. En 2001, concluant une critique quelque peu sévère consécutive à une décision du Conseil constitutionnel sénégalais, je constatais déjà que la tâche du juge, spécifiquement du juge constitutionnel, n’est pas aisée dans un contexte où les accusations qui lui sont portées et les craintes qu’il suscite oscillent entre « gouvernement des juges » et « juges du Gouvernement » selon que l’on soit de la majorité au pouvoir ou de l’opposition. Hier applaudie lorsqu’elle validait à la surprise d’une bonne partie des observateurs de la vie politique et institutionnelle du Niger les candidatures de personnalités poursuivies par la justice, voire dans les liens de la détention, la Cour constitutionnelle essuie aujourd’hui l’opprobre.

L’arrêt n°009/2016/CC/ME du 7 mars 2016 proclamant les résultats définitifs de l’élection pestilentielle issue des scrutins des 21 et 22 février 2016 suscite encore polémique et controverses. Il est tantôt reproché à la Cour de n’avoir pas respecté les délais constitutionnels, tantôt les délais légaux. Certains spécialistes sont allés jusqu’à relever que, « quels que soient les motifs qui ont présidé à cet arrêt, ils sont juridiquement discutables même si peut-être politiquement justifiés » .Il me semble cependant que l’inversion des termes pourrait être plus conforme à la réalité des situations en présence, c’est-à-dire pour ma part, que l’arrêt de la Cour est juridiquement fondé mais politiquement discutable. Il n’y a de ce fait aucun problème dès lors que la Cour est appelée à statuer en droit.
L’arrêt est juridiquement fondé à un double titre : au regard du respect des délais constitutionnels et de la forme dans laquelle la Cour a notifié son arrêt.
En réalité que reproche-t-on à la Cour ? D’avoir d’une part proclamé les résultats de l’élection présidentielle sans vider les recours introduits par l’opposition politique et d’autre part de n’avoir pas entouré l’arrêt de la solennité « requise » au moment de la proclamation des résultats. Sur ces deux aspects la Cour a, me semble-t-il, parfaitement joué son rôle.
Sur le premier aspect, point n’est besoin de longs développements pour expliquer qu’une Cour constitutionnelle a pour obligation première de respecter et de faire respecter les dispositions constitutionnelles et qu’en cas de conflit entre la Constitution et une norme législative c’est la première qui devrait l’emporter. Or en l’espèce il s’avère, à la lecture de l’article 48 al 5 de la Constitution que si n’est pas remplie la condition de l’élection d’un candidat ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il « est procédé, au plus tard 21 jours après, à un deuxième tour de scrutin, auquel prennent part les deux candidats arrivés en tête lors du premier tour ». C’est ce délai de 21 jours qui lie principalement la Cour.
Ici une première question reste de savoir si la computation du délai de 21 jours commence à partir de la date du premier tour de scrutin, de la proclamation des résultats provisoires par la CENI ou à partir de la proclamation des résultats définitifs du premier tour. Trois thèses peuvent donc être avancées :
La première consisterait à considérer que le délai de computation commence à partir de la date du premier tour, quel que soit le résultat de l’élection et quels que soient les recours introduits.
La deuxième conduirait à considérer que le délai court à partir de la proclamation des résultats provisoires par la CENI.
La troisième enfin, conduirait à considérer que, pour qu’il y ait un deuxième tour, les résultats définitifs du premier tour devraient être connus et c’est uniquement à partir de ce moment et uniquement sur cette base que serait organisé un second tour de scrutin.
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